Le surpoids des seniors : causes et risques.
Il y a presque quelque chose de bonhomme à voir une personne âgée bien en chair. Cela rappelle les dîners du dimanche chez les grands-parents, copieux à s’en défaire la ceinture, où refuser d’être resservi est perçu comme une offense envers les compétences de nos hôtes derrière les fourneaux. Après tout, dans des époques moins prospères, le surpoids était associé à un statut social élevé, puisqu’il indiquait que l’on pouvait manger à sa faim et même en abondance. Le culte de la minceur n’est quant à lui qu’une invention récente. Mais si la cuisine franco-française est réputée de par le monde, sa richesse l’est également : graisses et cholestérol sont au rendez-vous et sont pernicieusement stockés par notre organisme. La cuisine de grand-mère a donc vite fait de causer du surpoids au sein du foyer grand-parental…
Or, surpoids et obésité ont des conséquences sur la santé, parfois fatales. Et dans les pays occidentaux, on observe depuis la seconde moitié du siècle dernier une recrudescence de ces cas. Celle-ci est particulièrement marquée chez les seniors. Petite mise au point sur les causes et dangers associés à un poids excessif chez les personnes âgées.
État des lieux
Commençons tout d’abord par revenir sur la définition du surpoids. Si cela peut se résumer crûment à "être gros", le surpoids désigne avant tout un excédent de graisse au sein de l’organisme avant d’être une considération esthétique. On le calcule généralement par le biais de l’indice de masse corporelle (IMC), qui se base sur le rapport entre poids et taille, ce qui en fait un outil rudimentaire et pas toujours fiable. D’autres indices peuvent par exemple être le tour de taille, la graisse tendant à s’accumuler dans l’abdomen. On parle de surpoids lorsque l’IMC se trouve entre 25 et 30. Au-delà, on parle alors d’obésité, une forme de surpoids particulièrement sévère considérée comme une maladie chronique.
Si l’ensemble de la population est touché par le surpoids et les problèmes qui y sont liés, c’est ostensiblement le cas des seniors. Dans la soixantaine, 21 % des hommes et 18 % des femmes seraient ainsi véritablement obèses, soit environ deux fois plus que chez les trentenaires. Si les deux principales causes du surpoids sont une alimentation défaillante et la sédentarisation — c’est-à-dire le manque d’activité physique — d’autres facteurs sont responsables chez les seniors d’une accélération des effets de ces derniers…
Pourquoi les seniors sont-ils particulièrement à risque ?
Si les seniors sont particulièrement touchés par le surpoids, c’est pour plusieurs raisons. La première d’entre elles concerne les inévitables changements physiologiques qui surviennent avec l’âge. En effet, le vieillissement induit une redistribution de la masse corporelle entre muscles et graisses. Les premiers tendent à fondre au profit des secondes. Or, ce sont bien les graisses et non le simple volume qui définissent le surpoids et l’obésité. À cela s’ajoutent des changements hormonaux, notamment chez les femmes à l’occasion de la ménopause.
Ce n’est pas tout. On tend également à se sédentariser avec l’âge. Or, l’OMS liste tout de même le sédentarisme comme la quatrième cause de mortalité précoce au monde, en raison notamment des troubles cardiovasculaires qui en découlent. Si l’on est moins actif mais que l’on ne change pas ses habitudes alimentaires, c’est mathématique : on va prendre du poids que l’on stockera en graisses, et ce d’autant plus que ces dernières sont mieux retenues et plus difficilement transformées en masse musculaire avec l’âge…
Enfin, certains traitements facilitent la prise de poids. Et il est vrai qu’avec leur santé déclinante, la majorité des personnes âgées doit prendre au quotidien une certaine quantité de petites pilules. C’est notamment le cas de la majorité des antidépresseurs, qui tendent à atténuer la sensation de faim. Or, beaucoup de personnes âgées peuvent faire face à des épisodes dépressifs en raison des changements majeurs qui les affectent à cette période de leur vie — et les états dépressifs eux-mêmes tendent à favoriser les comportements à risque vis-à-vis de la prise de poids. C’est également, paradoxalement, le cas de plusieurs traitements antidiabétiques, une maladie à laquelle sont particulièrement exposées les personnes âgées. Bref, de nombreux types de médications peuvent favoriser la prise de poids chez les seniors.
Et tout comme les états dépressifs, l’anxiété et le stress favorisent également la prise de poids. Or, il s’agit de maux auxquels sont régulièrement confrontés les personnes âgées, en raison de changements majeurs qui les affectent, que ce soit le passage à la retraite ou le départ des enfants du nid familial.
Quels sont les risques du surpoids sur la santé ?
Tout le monde le sait, une prise de poids excessive a des conséquences néfastes sur la santé. La conséquence la plus lourde qu’elle a sur cette dernière est son effet sur le système cardiovasculaire. En effet, en accumulant de la graisse, les artères ont tendance à se boucher : cela augmente la pression artérielle, ce qui favorise le risque de faire un AVC ou un infarctus. Quand ils ne sont pas fatals, les troubles cardiovasculaires ont souvent des répercussions lourdes, en affectant aussi bien les fonctions motrices que cognitives. Outre ces conséquences sur le système cardiovasculaire, un surpoids nuit à la qualité du sommeil, en favorisant notamment le risque d’apnée du sommeil, qui elle aussi est associée à une mortalité précoce. D’autres troubles qui affectent tout particulièrement les seniors et qui sont favorisés par un poids excessif sont, entre autres, le diabète, les problèmes d’articulation, le reflux gastro-œsophagien…
Dans un second temps, la prise de poids peut avoir un impact sur l’autonomie de la personne âgée. En effet, alors que l’on se trouve déjà à un âge où celle-ci est entravée par la diminution de la forme physique et, passé un certain point, cognitive, le surpoids représente une entrave supplémentaire, qui peut facilement tourner au cercle vicieux. On peine plus à l’effort, dès lors on se retrouve plus facilement à rechigner face à lui : on se sédentarise d’autant plus, ce qui favorise la prise de poids. Et ainsi de suite. Le poids pris chez les personnes âgées étant d’autant plus difficile à perdre, il est très difficile de briser ce cercle une fois celui-ci enclenché. Or, lorsque le surpoids devient vraiment excessif, il peut s’avérer handicapant et limiter la capacité à réaliser des tâches quotidiennes autrefois considérées comme simple. Il peut donc favoriser la perte d’autonomie, qui elle-même tend à accélérer le déclin physique mais également cognitif. Bref, sans vouloir dramatiser, un surpoids excessif peut correspondre au premier pas vers l’hospice…
On peut également enfin mentionner les risques sur la santé mentale. En effet, dans une société où les diktats de beauté règnent, et où les personnes âgées sont de plus en plus actives, notamment sur le marché des célibataires, et donc enclines à vouloir séduire, il peut être difficile de voir sa silhouette s’épaissir. Loin de nous de vouloir nous joindre à cet impératif à la maigreur, mais voilà : le fait est qu’un embonpoint est rarement valorisé dans notre société, évoquant pour beaucoup un certain laisser-aller et une mauvaise hygiène de vie, et ce malgré toutes les raisons indépendantes pouvant en être à l’origine ! À un âge où il peut déjà être rude pour son estime de soi de voir son corps changer et décliner, grossir peut donc également impacter la santé mentale et déclencher ou renforcer des angoisses liées au vieillissement. De même, si l’autonomie est impactée, le surpoids peut également tendre à renforcer l’isolement. Or, il s’agit également d’un problème auquel font déjà face de nombreux seniors.
Que faire en cas de surpoids ?
Comme nous l’avons dit, la prévention est le meilleur moyen de faire face à l’obésité, puisque le poids perdu est d’autant plus difficile à perdre qu’il s’accumule et que nous vieillissons et additionnons les facteurs à risque. Il faut donc veiller à conserver une alimentation équilibrée et surtout, à maintenir une activité physique régulière, ce qui est de toute manière essentiel à un vieillissement sain. Attention, maigrir n’est pas nécessairement la solution miracle. Car si la graisse peut être néfaste et engourdir notre système cardiovasculaire, il s’agit également d’un puits de réserves nutritionnelles. Perdre du poids trop rapidement n’est jamais bon, et si vous souffrez de surpoids, le mieux est toujours de commencer par consulter son médecin généraliste ou un nutritionniste.
Enfin, terminons sur une bonne nouvelle. Si le surpoids est excessivement présent chez les personnes âgées, il semble ne pas être toujours négatif chez celles-ci et même présenter quelques vertus, puisque certaines études attestent d’une mortalité amoindrie chez les personnes atteintes de surpoids passé 70 ans. Attention tout de même à ne pas se réjouir trop vite : il ne s’agit là que d’un léger surpoids et non d’une obésité avérée. Et cela n’enlève rien par ailleurs aux recommandations en termes d’alimentation et d’exercice physique. Surtout, cela semble suggérer non pas que le surpoids en lui-même soit sain, mais bien plutôt qu’il serait judicieux de considérer le poids comme une variable évolutive avec l’âge, et donc redéfinir la notion de "normalité" et de surpoids selon l’âge.